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   Le Secourieu attaqué !

 

Après la défaite de Waterloo, apprenant qu’il était condamné à mort, le Maréchal (ou plutôt à l’époque le général) Clauzel  s’enfuit immédiatement vers le nord de la France et s'embarque pour les États-Unis.

De son côté Madame Clauzel revint au Secourieu avec ses enfants et le secrétaire de son mari. Le bruit se répandit que le Général Clauzel se cachait au Secourieu… Nous avons plusieurs récits de la scène qui suit, voici celui trouvé dans l’ouvrage « Souvenirs de la vie du Maréchal Clauzel racontés par leur grand-mère à ses petits-enfants » :

« Une nuit, à quatre heures du matin, les cris de « Vive le Roi » et une décharge de mousqueterie éveillèrent le château en sursaut  : deux-cents hommes assemblés devant la porte principale demandaient à grands cris qu’elle leur fût ouverte … L’officier qui les commandait donna l’ordre formel d’ouvrir les portes. … : « Nous voulons arrêter le brigand pour le noyer ou le pendre. – Le général n’est pas ici, leur répondit-on. – Il y est, il doit y être :  allumons le château, le chien sortira de sa cachette, et nous le tuerons comme un lapin. » L’officier … entoura d’abord le château d’une cinquantaine d’hommes, de manière à ce que personne ne pût en sortir à son insu, puis il entra dans la maison avec ses verdets, et pénétra dans tous les appartements, bouleversant le meubles, frappant les murs et le sol avec le pommeau de son pistolet ; enfin furieux, abruti et exaspéré, prenant une douzaine d’hommes avec lui, il leur dit « Maintenant, allons au nid ». Il eut alors la brutalité de se rendre dans la chambre de Madame Clauzel, alors souffrante. Apercevant un portrait en pied du général, il adressa d’abord à cette image les plus stupides et les plus odieuses injures et enfin, dépassant toutes les bornes, il tira son sabre et frappa au cœur cette image. Madame Clauzel lui cria alors de son lit : « Maintenant que la maison est visitée, vous voulez donc la piller ? ». Le verdet se retourna. « Tu l’aimes donc ce brigand, s’écria-t-il. Eh bien ! il faut que je le trouve ! » et violemment, il tira les couvertures et découvrir Madame Clauzel. Ce fut une scène terrible que celle qui suivit cette grossière insulte. Le secrétaire du général, accourant à ces cris, saisit un énorme flambeau, et d’un coup désespéré étendit l’officier à ses pieds. Les soldats se précipitèrent dans la chambre, et Mme Clauzel, s’élançant de son lit, demi-nue et pâle, tomba à leurs genoux en écartant leurs fusils qu’ils avaient dirigés sur lui. Les soldats criaient aux femmes de s’éloigner et menaçaient de tuer le jeune secrétaire, lorsque l’officier, revenu de l’étourdissement où l’avait jeté ce coup violent porté à la tête, leur ordonna de se retirer ; et le verdet, tirant de sa poche un mouchoir blanc, allait bander sa blessure, lorsque Madame Clauzel, par un sentiment d’humanité intelligente dont les femmes seules ont le secret, se mit à panser ce misérable de ses propres mains ; après qu’elle eut posé un premier appareil, il  se leva et ordonna au secrétaire de le suivre en lui disant : « N’ayez pas peur, Madame Clauzel vient de vous sauver ; mais laisser faire et ne dites pas un mot. »

Ils descendirent alors tous deux dans la grande cour du château et trouvèrent tous les verdets assemblés qui demandaient à grands cris qu’on leur livrât au moins le secrétaire.

« Jugez-le donc ! » leur cria l’officier … Tout le monde se rangea autour de cette espèce de tribunal, perchés sur des tonneaux, et les plaidoiries commencèrent…lorsque son avocat proposa de ne pas l’exécuter sur-le-champ, pour en faire un trophée, et l’emmener en triomphe à Foix. Il fut convenu par acclamation qu’il serait conduit dans cette ville pour y montrer le bon exemple ; en conséquence on l’attacha à la queue d’un cheval les mains liées derrière le dos et il partir avec la bande terrible sur l’ordre du chef des verdets. Avant de la quitter celui-ci fit les excuses d’un homme poli à Madame Clauzel et lui assura qu’elle n’aurait plus pareille visite à redouter". 

Le secrétaire fut effectivement emprisonné à Foix et libéré trois mois plus tard.

(Source : "Souvenirs du Maréchal Clauzel racontés par leur grand-mère à ses petits-enfants" par Madame Clauzel, Paris, Imprimerie Générale A.Lahure, 1888).

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